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Les droits de la personne, l'examen indépendant et la responsabilisation au sein du système correctionnel canadien

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Document de travail rédigé par le
Bureau de l'enquêteur correctionnel

Todd Sloan
Avocat général et conseiller principal en politiques

Juin 2004


Le 29 juillet 2004

Madame, Monsieur,

À titre de bureau de l'ombudsman responsable des personnes purgeant une peine de ressort fédéral dans un établissement ou la collectivité, notre organisme a pour mandant, en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992 ch.20, de faire enquête sur la conduite du Service correctionnel du Canada (le SCC) afin de résoudre les problèmes éprouvés par les délinquants.

Au cours des huit dernières années, nous avons constaté la présence d'un problème important qui tient au fait que le Service prend des décisions touchant des droits importants des délinquants garantis par la loi. Obligé de concilier un certain nombre d'intérêts internes contradictoires, le SCC a parfois pris des mesures qui ont limité ou qui n'ont pas respecté les droits de la personne et d'autres droits garantis par la loi, et ce, sans motif valable.

Les conclusions auxquelles nous en sommes arrivés sont les mêmes, dans une certaine mesure, que celles d'un certain nombre d'observateurs éclairés du système correctionnel, à commencer par le Rapport de la Commission d'enquête sur certains événements survenus à la Prison des femmes de Kingston (la Commission Arbour) jusqu'au rapport de janvier 2004 de la Commission canadienne des droits de la personne Protégeons leurs droits : Examen systématique des droits de la personne dans les services correctionnels destinés aux femmes purgeant une peine de ressort fédéral. Essentiellement, ces experts ont conclu que les processus décisionnels internes du Service ne favorisent pas l'obligation de rendre compte des droits de la personne, contrairement à ce à quoi on pourrait s'attendre de services correctionnels, étant donné que la Charte canadienne des droits et libertés a été adoptée depuis de nombreuses années.

Pour corriger cette situation préoccupante, les auteurs des divers rapports, et nous-mêmes, avons recommandé de mettre en oeuvre un processus d'examen des décisions du SCC par des arbitres indépendants de l'extérieur. Jusqu'à maintenant, aucune suite n'a été donnée à cette recommandation. Notre bureau est d'avis que cette impasse ne doit pas persister. En effet, si la situation n'est pas corrigée, elle pourrait prêter à des abus courants et fondamentaux des droits de la personne et des droits garantis par la loi.

Nous avons donc décidé d'inviter une gamme d'intervenants à discuter de la question et, espérons-le, à aider à trouver des éléments de solution. Nous commençons par distribuer le document de travail ci-joint. Votre organisme pourrait apporter une perspective précieuse à la consultation qui s'ensuivra. Nous vous demandons de lire le document et de vous joindre à nous pour faire progresser cette question vitale.

Si vous avez des questions ou des observations à formuler, je vous invite à communiquer avec moi quand cela vous conviendra. Trouvez, ci-joint, la version anglaise et la version française de notre document de travail qui est aussi disponible, dans les deux langues officielles, sur notre site Internet www.oci-bec.gc.ca.

Je vous remercie et vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.

L'enquêteur correctionnel du Canada,

Howard Sapers


TABLE DES MATIÈRES

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OBJET DE L'ANALYSE

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Ces dix dernières années, des spécialistes ont examiné les décisions du Service correctionnel du Canada (SCC) pour savoir si celles-ci étaient conformes aux lois et équitables. Ces spécialistes ne partageaient pas tous la même vision des opérations correctionnelles, mais ils s'entendaient pour dire que l'amélioration de la responsabilisation du Service passe par l'établissement d'un processus d'arbitrage indépendant de ses décisions.

Cela étant, le SCC, avec l'appui du Ministère, refuse toujours d'établir un tel processus.

Cette divergence d'opinion constitue le fondement du présent document et nous espérons qu'elle alimentera la consultation qui en découlera - et qui aura une incidence directe sur la responsabilité assumée par le SCC à l'égard des décisions qu'il prend et qui ont des répercussions sur les droits de la personne, les droits conférés par les lois et, en dernière analyse, la réinsertion sociale sécuritaire des délinquants.

On peut lire ce qui suit dans notre rapport annuel 2002-2003 :

« La responsabilité comporte un aspect interne et externe. L'organisation responsable doit faire plus que mettre davantage l'accent sur les valeurs fondamentales et sa capacité d'en tenir compte dans sa propre structure et dans ses processus décisionnels. Elle doit aussi être ouverte à une surveillance indépendante pour assurer les personnes visées par ses décisions, et la collectivité dans son ensemble, que toute lacune dans le processus interne sera examinée et corrigée avant qu'un tort considérable soit causé aux valeurs en question et à l'intégrité perçue de l'organisation. Cela est davantage le cas dans le milieu correctionnel où les droits et libertés sont souvent en jeu1.  »

Cette question est au coeur des commentaires formulés sur le sujet, que ce soit dans le cadre de la Commission d'enquête Arbour2 ou dans le rapport de la Commission canadienne des droits de la personne sur les femmes purgeant une peine de ressort fédéral3, rendu public en janvier 2004. Dans chaque cas, on estimait qu'il faudrait à tout le moins envisager la possibilité d'instaurer un processus d'examen indépendant dans le but d'améliorer la transparence, l'opportunité, la conformité aux lois et l'efficacité des décisions en matière correctionnelle.

Le Service correctionnel et le Ministère n'ont jamais donné suite aux recommandations concernant l'établissement d'un processus d'arbitrage indépendant et, selon nous, cela a eu pour conséquence la non-satisfaction des besoins des délinquants, en particulier les délinquants autochtones, et le non-respect de leurs droits.

Essentiellement, nous cherchons à savoir si le Service correctionnel, qui est un élément clef du système de justice pénale, peut garantir

  • que ses politiques et son processus décisionnel respectent le principe de la primauté du droit et les droits de la personne;
  • qu'il propose des interventions appropriées et opportunes en cas d'infraction, et
  • qu'il assume la responsabilité de ses actions,

et ce, en l'absence d'un processus d'arbitrage indépendant.

Dans le présent document :

  • nous exposons les commentaires, toujours favorables à l'arbitrage indépendant, qui ont été recueillis au fil des ans. Nous fournissons des extraits des documents que nous estimons les plus pertinents dans le contexte, mais nous encourageons le lecteur à se reporter aux textes d'origine (les liens ou données bibliographiques sont fournis à l'annexe A) pour connaître le contexte plus général;
  • nous expliquons pourquoi nous sommes favorables à l'établissement d'un processus d'arbitrage indépendant;
  • nous résumons et commentons d'autres points de vue sur la question
  • nous dressons la liste des enjeux et des solutions possibles sur lesquels le lecteur voudra peut-être réfléchir en vue d'une réponse au document.

Nous espérons que ces renseignements amèneront les nombreux groupes que nous aimerions consulter (tant ceux qui ont déjà formulé des commentaires que ceux qui ne l'ont pas fait) à apporter leur contribution à ce débat qui dure depuis très longtemps déjà.

La présente analyse permettra peut-être de clore le sujet une fois pour toutes. À tout le moins, elle fournira au Bureau de l'enquêteur correctionnel (BEC) tous les renseignements nécessaires avant de décider de la suite à donner.

La consultation se déroulera en trois étapes, dont une qui sera terminée au moment où le présent document sera diffusé.

D'abord, le Service correctionnel pourra, en vertu de l'article 195 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la LSCMLC)4, présenter ses observations sur les commentaires formulés dans la version finale du présent document qui, selon lui, peuvent ternir l'image du SCC ou celle d'un particulier. Nous inclurons, dans le document, un résumé fidèle de ces observations.

Ensuite, nous demanderons à tous les intéressés (dont le SCC) de lire le document et de nous faire parvenir leurs commentaires par écrit d'ici la fin du mois de septembre 2004. Ces commentaires serviront de fondement à une analyse plus poussée de la question et ils seront communiqués à tous les participants.

Enfin, nous solliciterons l'aide du Service correctionnel en vue de la planification d'une réunion de consultation à l'automne 2004 au cours de laquelle on examinera les problèmes en vue de trouver des solutions et de formuler des recommandations au Bureau de l'enquêteur correctionnel, au Service correctionnel, au Ministère ou au Parlement.

Commentaires des spécialistes indépendants sur l'examen indépendant

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1. Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1992

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De nombreuses dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, de même que la jurisprudence connexe, ont été intégrées directement ou indirectement à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cela va dans le sens des recommandations formulées dans le contexte du projet de révision du droit correctionnel5, qui constituent le fondement du processus qui a abouti à l'adoption de la LSCMLC.

Dans les faits, avec l'adoption de la LSCMLC, on décrétait que l'administration des prisons canadiennes, jusqu'alors laissée en grande partie à la discrétion des administrateurs d'établissement, devrait être enchâssée dans des textes de loi. Par exemple, dans le Rapport Carson, le président du groupe de travail a déclaré ce qui suit :

Le Service doit énoncer avec clarté la philosophie et la politique qui renforcent le principe de la primauté du droit dans tous les établissements, en permanence et en toutes circonstances. Le personnel et les détenus doivent savoir que le recours illégal et injustifié à la force ne sera pas toléré6.

Nombre d'autres rapports et examens ont porté sur la nécessité d'assujettir les opérations et les décisions correctionnelles au principe de la primauté du droit. Ces documents sont à la fois trop nombreux et trop volumineux pour que nous les décrivions ici. Nous suggérons au lecteur de se reporter à l'ouvrage du professeur Michael Jackson intitulé Justice Behind the Walls dont la secteur 1, chapitre 3, présente une brève analyse des commentaires et de la jurisprudence compilés avant l'adoption de la LSCMLC7.

Avant 1992 - reconnaissant les droits en matière d'équité définis par le Parlement et les tribunaux - le gouvernement a jugé bon d'intégrer l'arbitrage indépendant à deux processus touchant des droits fondamentaux, à savoir la mise en liberté sous condition, processus administré par la Commission nationale des libérations conditionnelles et les mesures disciplinaires dont les détenus font l'objet, administrées par des présidents indépendants nommés par le Cabinet.

Par ailleurs, la Partie III de la LSCMLC confirme l'existence du Bureau de l'enquêteur correctionnel, dont les activités étaient définies comme des « enquêtes ministérielles  » depuis 1973 en vertu de la Loi sur les enquêtes8.

La LSCMLC confère au BEC la majorité des tâches, fonctions et pouvoirs qui incombent aux protecteurs du citoyen nommés par la loi. On note toutefois trois exceptions importantes :

  • l'EC n'est pas un haut fonctionnaire du Parlement, il est nommé par le Cabinet;
  • le Bureau ne peut pas présenter de rapports au Parlement sur les conclusions et les recommandations formulées à la suite de plaintes de particuliers ou d'enquêtes. Ces conclusions et recommandations doivent être incluses dans le rapport annuel ou dans des rapports spéciaux provisoires;
  • les rapports annuels et spéciaux doivent être présentés au Ministre qui les dépose au Parlement.

En outre, en vertu de la LSCMLC, certains outils qui sont mis à la disposition des commissaires parlementaires (langues officielles, protection des renseignements personnels, accès à l'information) ne sont pas accessibles au BEC. Ainsi, contrairement à ces commissaires, le BEC ne peut pas s'adresser expressément aux tribunaux pour régler certains problèmes.

En raison de ces restrictions, nous relevons du Ministre, sur le plan administratif. Celui-ci supervise le SCC et est responsable pour le SCC. Par ailleurs, nous ne pouvons pas soumettre des questions en temps opportun à l'organe dont relèvent les ministres.

Depuis l'entrée en vigueur de la LSCMLC, on continue de débattre la question de savoir si l'examen indépendant doit aller au-delà des mécanismes susmentionnés. Certains experts, ainsi que le BEC, estiment qu'à la lumière de certains événements qui sont survenus, la réponse doit être « oui  ».

2. Depuis l'adoption de la LSCMLC

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a) La Commission d'enquête Arbour

Dans le rapport qu'elle a rendu public en 1996 intitulé Commission d'enquête sur certains événements survenus à la Prison des femmes de Kingston, Mme la juge Arbour mentionne que le manquement aux lois, particulièrement aux droits de la personne « fait probablement partie de la culture d'entreprise du SCC  ».

« Pour ce qui est des questions correctionnelles d'ordre général, cette enquête a révélé une absence troublante d'engagement de la part du Service correctionnel à l'égard des idéaux de la justice. Je suis fermement convaincue qu'une supervision judiciaire accrue est essentielle. Les deux domaines dans lesquels le Service s'est révélé le plus fautif sont la gestion de l'isolement et l'administration du processus de règlement des griefs. Dans les deux domaines, les carences révélées par les faits étaient sérieuses et préjudiciables aux détenus à tous les égards, notamment en sapant leurs possibilités de réadaptation. Rien ne permet de suggérer que le Service soit disposé ou capable de s'amender sans une orientation et un contrôle judiciaires9.  »

Mme la juge Arbour se prononce fermement en faveur de l'adoption d'une approche axée sur les droits dans le secteur de l'administration pénitentiaire, où le respect de la loi est la priorité absolue.

« Le défaut du respect de la primauté du droit est surtout notable au niveau de l'administration, à la fois au sein de la prison et aux niveaux régional et national. Le principe de la primauté du droit doit être importé et intégré, à ces niveaux, grâce à d'autres partenaires du milieu de la justice pénale, car aucun signe n'indique qu'il émergera spontanément10.  »

« Cette double caractéristique du rôle des normes juridiques dans un établissement pénitentiaire a été largement démontrée tout au long de la présente enquête. D'un côté, la multiplicité de sources réglementaires a contribué dans une large mesure à ce que la loi ou la politique applicable soit souvent inconnue ou bien facilement oubliée et ignorée. D'un autre côté, en dépit de cette pléthore d'exigences normatives, on ne constate qu'une faible manifestation de la volonté de renoncer aux préoccupations pragmatiques en faveur des préceptes de l'ordre juridique. La primauté du droit est absente bien que les règles soient partout.

La principale réforme de la loi régissant l'incarcération qui est entrée en vigueur après l'adoption de la Loi sur les systèmes correctionnels et la mise en liberté sous condition SIC de 1992 a été décrite comme une importante transition d'un ordre administratif à un ordre juridique législatif. La nouvelle loi et le règlement y afférent ont annulé de nombreuses directives du commissaire qui ne sont plus que de simples répétitions du texte législatif et n'ajoutent, au mieux, qu'un détail occasionnel. Ce changement est le résultat d'une décennie ou presque de déclarations judiciaires qui ont jeté les bases des droits des détenus, lesquels ont été finalement incorporés dans la LSC. Après une longue histoire d'administration des établissements pénitentiaires suivant un processus de discrétion administrative qui avait recours à la discipline et à l'octroi de privilèges comme outils de gestion, le système correctionnel fait maintenant face à la nécessité de devoir céder à la supervision judiciaire et aux préceptes du législateur11.  »

Mme la juge Arbour a établi que le meilleur moyen d'obtenir la supervision nécessaire serait de faire appel à trois mécanismes qui prévoient l'arbitrage des décisions administratives par un organe externe :

  • La création d'un recours judiciaire en ce qui concerne l'« interférence correctionnelle dans l'intégrité d'une peine  », qui permettrait aux tribunaux de réduire les peines dans les cas où on a considérablement enfreint les droits des détenus qui leur sont reconnus par la loi.
  • La détermination par un juge du maintien en isolement des détenus au-delà de 60 jours ou par un avocat à tous les 30 jours.
  • La possibilité de recourir à l'arbitrage indépendant des griefs déposés par les détenus, lorsque ces griefs sont soumis à l'examen du commissaire du SCC.
Recours judiciaire

En ce qui concerne le recours judiciaire, Mme la juge Arbour a conclu sans équivoque que l'imposition de sanctions par un organe externe constitue le seul moyen d'amener les contrevenants à assumer la responsabilité de leurs actes. On doit ainsi faire comprendre au Service qu'il est important d'appliquer les peines imposées par les tribunaux de manière sécuritaire et humanitaire.

« Finalement, je crois qu'il n'y a que peu d'espoir que la primauté du droit s'impose d'elle-même dans la culture correctionnelle sans l'aide et le contrôle du Parlement et des tribunaux. À titre de mesure corrective visant à compenser l'absence de reconnaissance des droits individuels et l'inefficacité des mécanismes internes destinés à garantir le respect de la loi au sein du Service correctionnel, je crois qu'il est impératif d'élaborer une sanction juste et efficace à titre de réparation appropriée pour la violation des droits des détenus, ainsi que pour en encourager le respect12.  »

« Le respect des droits individuels des détenus demeurera illusoire à moins qu'un mécanisme soit élaboré pour permettre au Service correctionnel de réaliser les conséquences sérieuses d'une entrave à l'intégrité d'une peine en la gérant de façon inappropriée. L'administration d'une peine fait partie intégrante de l'administration de la justice. Afin d'intégrer pleinement la primauté du droit dans le système correctionnel, l'administration de la justice doit reprendre le contrôle de la légalité d'une peine, au-delà du champ traditionnel limité des recours d'habeas corpus13.  »

Un modèle proposé

«Les juges qui imposent des peines s'attendent à ce qu'elles soient administrées conformément à la loi. Si l'on s'en écarte, l'intégrité de la peine est en jeu et pourrait devoir être rétablie.  »

«Lorsque des actes illégaux, une mauvaise gestion grave ou une injustice dans l'administration d'une sentence rend la peine plus sévère que celle imposée par le tribunal, une réduction de la période d'emprisonnement peut être accordée, afin de refléter le fait que la punition administrée était plus punitive que celle prévue.14  »

Arbitrage indépendant de l'isolement préventif

Après avoir analysé les effets négatifs de l'isolement prolongé sur les détenus et fait valoir la nécessité de chercher des solutions de rechange à l'isolement, Mme la juge Arbour explique pourquoi elle recommande de limiter les périodes d'isolement en s'adressant à un organe externe d'arbitrage, idéalement les tribunaux.

« À mon avis, l'élément le plus insupportable de l'isolement préventif, au moins selon mon expérience au cours de la présente enquête, est sa durée indéterminée et prolongée qui souvent ne respecte pas les normes juridiques. La gestion de l'isolement préventif qu'il m'a été donné d'observer est en contradiction avec l'esprit de la Charte qui imprègne d'autres secteurs de l'administration de la justice pénale. En accord avec la notion qu'une peine purgée dans des conditions extrêmement difficiles peut mériter d'être reconsidérée par les tribunaux, je recommanderais l'imposition d'une limite de temps pendant laquelle un détenu peut être gardé en isolement préventif, selon les termes suivants.

Le responsable de l'établissement peut ordonner l'isolement d'une détenue pendant trois jours au maximum dans le but de calmer une situation immédiate. Après trois jours, une étude documentée devrait être effectuée pour décider du maintien ou non en isolement. L'examen administratif pourrait prévoir un maximum de 30 jours en isolement, au plus deux fois par année civile; ainsi une détenue ne pourrait passer plus de 60 jours non consécutifs en isolement par année. Après 30 jours, ou si le nombre de jours passés en isolement au cours de cette année approche déjà 60, l'établissement pourrait considérer et avoir recours à d'autres options comme le transfèrement, le placement dans une unité de santé mentale ou d'autres types de surveillance intensive, tout en maintenant cependant une interaction avec la population générale. Dans l'éventualité où de telles options ne sont pas disponibles ou si le Service correctionnel est d'avis qu'une période d'isolement plus longue est nécessaire, il devra présenter une requête à un tribunal pour décider du maintien en isolement. Après avoir été saisi d'une telle requête, le tribunal devra considérer tous les éléments de la sentence, y compris sa durée et rendre une ordonnance conforme à l'intention originale de la peine. Dans les cas où un isolement imposé à long terme est considéré, une requête d'ordonnance provisoire peut être présentée, dans l'attente de l'exécution des pièces justificatives similaires à celles exigées pour une requête de statut de délinquant dangereux15.  »

En l'absence de bonne volonté de soumettre l'isolement à une surveillance judiciaire, je recommanderais que les décisions relatives au placement en isolement au niveau d'un établissement soient sous réserve de la confirmation d'un arbitre indépendant dans les cinq jours. Cette personne devrait être un avocat ou une avocate, et elle devrait fournir les motifs d'une décision de maintien en isolement. Le cas d'isolement devrait faire l'objet d'un réexamen tous les 30 jours par un arbitre différent qui devrait également être avocat ou avocate. Une détenue devrait pouvoir contester la légalité ou l'équité de son isolement en présentant une requête de modification de peine à un tribunal conformément au principe énoncé plus tôt16.  »

Arbitrage des griefs déposés par les détenus

Dans son rapport, Mme la juge Arbour souligne la nécessité de procéder à un « changement radical de la mentalité du Service correctionnel, à savoir, admettre l'erreur sans considérer qu'il concède la défaite17.  »

Selon Mme la juge Arbour, on pourrait étayer cet aspect essentiel de la responsabilisation en veillant à ce que les griefs des détenus soient considérés comme une priorité et les réponses, fournies en temps opportun. Par ailleurs, les recours proposés dans le cas des griefs qui sont acceptés (y compris la reconnaissance de l'erreur et la présentation d'excuses, le cas échéant) doivent être pris sans tarder. C'est le seul moyen pour le Service d'éviter « le pire scénario possible...  »

« d'avoir un processus de règlement de plaintes et de griefs si déficient tant sur le plan des délais que sur le fond, qu'il devient en soi une source de frustration et de ressentiment plus profonds encore18.  »

Pour garantir la responsabilité à l'égard des griefs, Mme la juge Arbour recommande qu'on confie au commissaire du SCC lui-même l'examen des griefs selon les critères susmentionnés ou, si le commissaire ne prend pas les mesures voulues, qu'on fasse appel à un arbitre dont la décision sera exécutoire19.

Enquêtes

Dans son rapport, Mme la juge Arbour se dit en faveur d'une participation de membres de la collectivité aux activités des comités nationaux d'enquête du SCC - une approche qui, elle l'espère, pourrait favoriser une plus grande impartialité, réelle et perçue, des enquêtes sur les cas graves de non-respect des droits20.

3. Groupe de travail sur l'isolement préventif21

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En 1997 le Groupe de travail sur l'isolement préventif du SCC - mis sur pied pour améliorer le respect des lois et l'efficacité du processus d'isolement préventif en réponse aux recommandations de la Commission Arbour - recommandait l'exécution d'un projet pilote d'arbitrage indépendant du réexamen des cas d'isolement. Le Groupe de travail était composé de représentants du SCC et du BEC, de même que de deux spécialistes indépendants, le professeur Michael Jackson et le professeur Patricia Montour Angus.

Les membres s'entendaient pour dire que le SCC pouvait améliorer le respect, par son personnel, des mesures de protection prévues par la Loi et le Règlement en matière de procédure en offrant une formation et en surveillant étroitement le rendement du personnel.

Par contre, les opinions étaient partagées sur la question de l'efficacité du processus d'isolement.

Les représentants du SCC estimaient que, pour assurer l'efficacité du processus, il suffisait d'améliorer le processus décisionnel interne - le recours, dans la moindre mesure possible, à l'isolement conformément aux règles de sécurité.

Les représentants indépendants et celui du BEC croyaient, quant à eux, que le processus ne pouvait être efficace que si, pendant le réexamen du cas d'isolement, on faisait intervenir un arbitre indépendant (un tribunal ou un spécialiste de la collectivité) pour régler les problèmes.

Le Groupe de travail s'est toutefois entendu pour dire que la question de l'arbitrage externe est suffisamment importante pour justifier à tout le moins l'exécution d'un projet pilote, afin de déterminer l'efficacité de l'arbitrage indépendant. Tous les membres conviennent que l'arbitrage indépendant favorise la responsabilité.

« Certains participants pensaient qu'il fallait que le SCC reste responsable de la gestion du processus d'isolement, selon des délais précis, avant que l'on ait recours à l'arbitrage indépendant pour faire en sorte qu'aucun cas d'isolement injustifié et prolongé ne se produise. Un système d'arbitrage indépendant doit être mis en place pour garantir que les détenus reçoivent un traitement équitable et conforme à la loi lorsque les circonstances sont telles qu'il peut y avoir conflit entre la procédure établie et les considérations opérationnelles. D'autres participants étaient d'avis que le SCC devait passer directement à un processus de révision judiciaire. L'opinion générale était que le SCC devait mettre en place un arbitrage indépendant afin de retrouver de la crédibilité aux yeux du public et de faire preuve de transparence.

Il a été proposé que le SCC prenne le temps d'élaborer et de mettre à l'essai un modèle d'arbitrage indépendant. Les participants étaient d'avis que l'on devait, dans cette mise à l'essai, donner un pouvoir décisionnel à l'arbitre et qu'il fallait examiner la possibilité de demander à un juge provincial ou fédéral de participer à temps plein à cette expérience. Sa participation assurerait au processus une crédibilité immédiate en ce qui concerne les aptitudes à la résolution de conflits et à l'évaluation des risques ainsi que la capacité de se familiariser rapidement avec le processus d'examen des cas d'isolement dans le contexte de la loi.

Ces observations ont considérablement aidé le Groupe de travail sur l'examen de l'isolement préventif à mener ses travaux et à formuler ses recommandations22.  »

Cette recommandation a d'abord été acceptée, puis rejetée ensuite par le SCC essentiellement pour les raisons suivantes :

  • en demandant un examen indépendant, on soustrait le SCC à ses responsabilités;
  • on ne peut savoir avec certitude si les examinateurs indépendants posséderont les compétences, les connaissances et l'expérience nécessaires pour prendre des décisions de nature délicate.

Le SCC a plutôt exécuté un programme pilote dans le cadre duquel un membre de la collectivité a siégé aux comités de réexamen des cas d'isolement, comités qui formulent des recommandations aux directeurs d'établissement au sujet des placements en isolement et des libérations.

L'évaluation de ce programme et les recommandations qui en découlent sont annexées au présent document. Nous recommandons fortement au lecteur de prendre connaissance de l'évaluation, car elle constitue l'énoncé le plus récent de la position du SCC contre l'arbitrage indépendant et en faveur de l'amélioration des procédures internes. Dans le cadre du processus de consultation proposé dans le présent document, le SCC a entrepris une consultation des groupes intéressés au sujet du programme pilote et de l'adoption d'un processus d'examen entièrement indépendant.

4. Le rapport Yalden23

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En 1997, le SCC a demandé à Max Yalden, ancien président de la Commission canadienne des droits de la personne, d'examiner la façon dont le Service traite les questions des droits de la personne. Le rapport insiste grandement sur la nécessité pour le Service correctionnel de tenir compte de la primauté du droit lorsqu'il détermine les actions qu'il entend prendre et qui ont une incidence sur les droits de la personne.

« De par leur nature, les systèmes correctionnels doivent observer de nombreuses règles, non seulement pour garantir un traitement équitable et humain aux détenus, mais aussi pour assurer l'harmonie dans des interrelations souvent difficiles. Du point de vue stratégique, il s'agit donc d'intégrer les considérations relatives aux droits de la personne dans ce contexte régi par des règles de telle sorte que tous puissent comprendre leur bien-fondé et les mettre en pratique en toute connaissance de cause. Autrement dit, pour que la règle de droit soit respectée, il faut donc, en premier lieu, que les autorités correctionnelles reconnaissent explicitement qu'elles sont liées par les obligations internationales, constitutionnelles et législatives auxquelles l'Ëtat souscrit24.  »

M. Yalden souligne que la responsabilité à l'égard de cette obligation organisationnelle va au-delà des simples mesures de surveillance interne du SCC et du contrôle du respect des procédures établies. Il faut établir un processus transparent et reconnaître à la fois les réussites et les échecs. Lorsqu'il y a lieu, le processus doit être régi par un organe décisionnel indépendant.

« Pour respecter l'obligation de rendre compte, il ne suffit pas que le système correctionnel dispose de garanties procédurales et qu'il les suive. Bien qu'elles soient importantes, leur existence ne constitue pas en elle-même une garantie incontestable que les autorités correctionnelles respectent les droits de la personne et que leurs pratiques peuvent résister à un examen public approfondi. Les autorités correctionnelles doivent non seulement évaluer leur conformité, mais également en faire la preuve devant l'assemblée législative et la société25.  »

Il définit ensuite les caractéristiques d'un système efficace de « surveillance externe  » du respect des droits de la personne et explique les motifs justifiant l'établissement d'un tel système.

« Dans bien des systèmes correctionnels contemporains, on reconnaît qu'il faut être à la fois clair et équitable. Lorsqu'il s'agit de protéger les droits de la personne, de telles considérations sont de toute évidence d'une importance capitale, en particulier parce que les services correctionnels sont dispensés au nom de l'ensemble de la société. Pour respecter l'obligation de rendre compte, il ne suffit pas que le système correctionnel dispose de mécanismes internes adéquats; il doit également pouvoir montrer aux autorités publiques qu'il se conforme en toute occasion à la règle de droit.

C'est pourquoi bon nombre de systèmes correctionnels font appel à un mécanisme de surveillance externe ou, dans certains cas, aux tribunaux pour obtenir une évaluation indépendante de leur conformité aux obligations légales. Voici les principes qui s'appliquent :

  • l'organisme de surveillance indépendant évalue de façon impartiale dans quelle mesure le système se conforme à ses obligations légales; il ne constitue pas un niveau additionnel de gestion opérationnelle;
  • pour être considéré comme véritablement indépendant, l'organisme externe doit pouvoir soumettre ses rapports au Parlement le plus directement possible, sans qu'il y ait ingérence ou apparence d'ingérence du système correctionnel;
  • dans l'éventualité d'une divergence importante entre le jugement de l'organisme de surveillance et celui des autorités correctionnelles, le différend devrait pouvoir être soumis à l'arbitrage; et
  • l'organisme de surveillance externe doit disposer de ressources suffisantes, non seulement pour examiner les allégations de non-conformité, mais aussi pour mener ses propres enquêtes et entreprendre des enquêtes de sa propre initiative.

Pour garantir le respect total des droits des détenus, le modèle de surveillance de la conformité doit donc comprendre un mécanisme externe, qu'il fasse partie du système judiciaire ou qu'il s'agisse d'un ombudsman correctionnel.

Ce mécanisme doit être reconnu dans la loi et la personne nommée ne doit pouvoir être révoquée que pour un motif valable, de préférence uniquement par le parlement.Voici les pouvoirs ou fonctions qui lui incombent :

  • veiller à ce que ses services soient bien connus des détenus et à ce qu'ils y aient facilement accès;
  • avoir un libre accès à tous les documents pertinents ainsi que le pouvoir d'interroger les parties au besoin;
  • recevoir les plaintes ou les griefs des détenus qui estiment que les règles de droit relatives aux conditions carcérales ou les procédures correctionnelles ont été violées, enquêter à ce sujet et, si possible, y apporter une solution informelle;
  • informer rapidement les parties intéressées si, à la suite d'une enquête, une plainte ou un grief est jugé légitime, et recommander aux autorités correctionnelles les mesures nécessaires pour corriger la situation; et
  • présenter régulièrement des rapports au Parlement, pour l'informer des conclusions et des recommandations importantes et, en particulier, attirer son attention sur les litiges non résolus avec les autorités correctionnelles qui pourraient nécessiter la prise de mesures particulières ou l'arbitrage.

Dans les cas où il risque d'y avoir une perte significative des droits du détenu, il se peut qu'un simple examen des décisions des autorités correctionnelles par un organisme externe ne suffise pas à garantir le respect de ces droits; on pourrait soutenir que la décision devrait être prise par l'organisme externe lui-même26.  »

À partir de ces éléments, M. Yalden a fait certaines recommandations visant l'établissement d'un processus efficace de surveillance du respect des droits de la personne.

Il suggère des façons d'améliorer la capacité du BEC de régler les problèmes soulevés par les délinquants en matière de droits de la personne :

« En ce qui concerne le rôle de l'enquêteur correctionnel, le Groupe de travail recommande :

  • que celui-ci soit autorisé à présenter ses rapports directement au Parlement;
  • que le Bureau de l'enquêteur correctionnel obtienne les ressources nécessaires pour soumettre à un arbitre les questions et les cas les plus importants et pour faire mieux connaître publiquement les principes sociaux justifiant le respect des droits des détenus;

En ce qui a trait à la relation entre les mécanismes de surveillance externe et les mécanismes de surveillance interne, le Groupe de travail recommande :

  • que le SCC et l'enquêteur correctionnel définissent ensemble des critères et des lignes directrices de travail leur permettant de trier les plaintes, de les classer en ordre de priorité et de réduire au minimum les chevauchements au cours des enquêtes ou à d'autres stades du processus;
  • que les deux organismes effectuent en collaboration un examen périodique des problèmes systémiques afin de déterminer les moyens à prendre pour les résoudre;
  • que, dans les cas exceptionnels où il est impossible de convenir d'une solution compatible avec les obligations du SCC en matière de droits de la personne, des mesures soient prises pour soumettre la question à un arbitre sans délai;
  • que l'efficacité de la relation de travail entre l'EC et le SCC, quant à leur capacité de trouver rapidement des solutions pertinentes aux griefs légitimes des détenus, fasse l'objet d'un examen séparé27.  »

En ce qui a trait au réexamen des cas d'isolement préventif, l'auteur du rapport va jusqu'à appuyer la recommandation du Groupe de travail sur l'isolement préventif, à savoir l'exécution d'un projet pilote d'évaluation des avantages d'un arbitrage indépendant dans les cas de restriction flagrante de la liberté.

5. Renouveau législatif

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Au mois de mai 2000, le Sous-comité de la Chambre des communes chargé de l'examen de la LSCMLC a apporté d'autres arguments favorables à l'arbitrage indépendant des cas d'isolement préventif et à la présentation de rapports de l'EC directement au Parlement28.

Position du Sous-comité sur l'isolement préventif

« 5.35 L'effet de l'isolement préventif sur les détenus a été décrit avec précision par madame la juge Arbour dans l'extrait de son rapport cité plus tôt. De plus, les contraintes physiques et les restrictions en matière de programmes imposées aux détenus isolés sont rigoureuses. C'est ce que le Sous-comité a pu constater dans chacune des unités d'isolement qu'il a visitées au cours de sa tournée des pénitenciers. Il faut toutefois reconnaître que la population carcérale gérée par le Service correctionnel dans ses unités d'isolement préventif n'est pas des plus faciles et pose quotidiennement de grands défis.

5.36 Depuis 1997, le Service prend de sérieuses mesures pour améliorer et surveiller le processus d'examen des cas d'isolement préventif, trouver des solutions de rechange et réintégrer de façon efficace dans la population carcérale générale les détenus isolés pour de longues périodes. Il devrait maintenir et intensifier ses efforts, mais cela devra servir de complément à l'évaluation indépendante des actions affectant les libertés et les droits résiduels des détenus, et non pas de remplacement.  »

Le Sous-comité recommande de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à prévoir l'arbitrage (par les présidents indépendants nommés par le solliciteur général dans le cadre du processus disciplinaire des détenus) des cas d'isolement préventif non sollicité, tous les 30 jours civils, et des cas d'isolement préventif sollicité, tous les 60 jours civils29.  »

Le Sous-comité a également recommandé que l'EC rende compte directement au Parlement. On propose que l'EC fasse rapport simultanément au Solliciteur général et au Parlement.

6. Projet de vérification de la dotation mixte - Troisième et dernier rapport (2000)30

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Le vérificateur de la dotation mixte a été nommé par le SCC afin de procéder à une vérification indépendante des répercussions stratégiques et opérationnelles de la dotation mixte dans les pénitenciers fédéraux pour femmes. La nomination d'un vérificateur pour une période de trois ans faisait partie des recommandations de la Commission Arbour.

Dans l'analyse du processus d'enquête sur les plaintes de harcèlement sexuel faites par les détenues, les auteurs du rapport recommandent la mise sur pied d'un organe indépendant chargé d'enquêter sur les allégations d'inconduite et se disent favorables à la présentation des rapports de l'EC directement au Parlement.

La création d'un organisme indépendant par modification de la loi est l'option privilégiée pour diverses raisons. L'enquêteur correctionnel a recommandé sa création après des années d'expérience des systèmes internes du SCC relatifs au traitement de ce genre de problèmes. Ce modèle permet à des personnes jugées impartiales par toutes les parties de recueillir des faits de manière éclairée. La centralisation du mécanisme d'enquête sur les plaintes graves, y compris les allégations d'inconduite sexuelle, permettra aux enquêteurs d'acquérir les connaissances ou la formation nécessaires pour mener des enquêtes sur la violence/inconduite sexuelle ainsi que sur le système correctionnel. Ce processus assurerait une plus grande transparence et donc une meilleure responsabilisation qu'un processus d'enquête interne du SCC. La centralisation de l'établissement des faits pour ce genre de plainte permettra aussi de tenir des statistiques des allégations de manière à pouvoir mieux déterminer les tendances et à vérifier les processus. Une méthode efficace d'établissement des faits et de prise de mesures disciplinaires devrait également avoir un effet de dissuasion sur l'inconduite sexuelle à l'égard des détenues.

La création d'un organisme indépendant chargé de faire enquête sur les allégations d'inconduite sexuelle ainsi que sur d'autres allégations graves ne devrait en aucun cas être considéré comme une façon de remplacer ou de limiter les fonctions de l'enquêteur correctionnel. Quelle que soit l'option retenue pour traiter les allégations d'inconduite sexuelle, il faudra toujours qu'il existe un organisme chargé de surveiller ou de vérifier le traitement de ces allégations. En fait, si l'option consistant à modifier le mandat de l'EC pour que celui-ci fasse des enquêtes et présente des conclusions exécutoires sur les allégations, il serait nécessaire de charger un autre organisme de surveiller la manière dont l'EC traiterait ces allégations. L'EC est actuellement responsable de la vérification du traitement des plaintes ou des allégations présentées par les détenues. Cependant, il souffre d'un manque chronique de ressources pour effectuer ce travail, en particulier en ce qui concerne la dotation de postes réservés à l'examen des questions touchant les détenues. En outre, l'indépendance de l'EC se trouverait renforcée si l'on modifiait la LSCMLC pour qu'il soit tenu de rendre directement compte au Parlement31.  »

7. Justice Behind the Walls, 200232

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Dans l'ouvrage qu'il a publié récemment intitulé Justice Behind the Walls, Michael Jackson en arrive à la conclusion que l'arbitrage indépendant est un processus essentiel, compte tenu de l'incapacité prouvée du SCC de régler à l'interne les problèmes de non-respect des droits.

M. Jackson, qui fonde ses conclusions sur les dizaines d'années d'expérience qu'il a acquise dans le domaine du droit carcéral et des centaines d'entrevues menés avec des délinquants, des membres du personnel et d'autres personnes intéressées, de même que sur son expertise reconnue dans les domaines des droits de la personne et du droit correctionnel, va dans le sens du rapport Arbour en ce qui concerne le recours judiciaire, l'arbitrage indépendant des griefs des délinquants, l'amélioration des liens hiérarchiques du Bureau et la création d'une instance administrative indépendante chargée de rendre une décision concernant les plaintes des délinquants.

La meilleure illustration de son point de vue sur la nécessité d'établir un processus d'arbitrage indépendant pour favoriser le respect du principe de primauté du droit dans la prise de décisions correctionnelles se trouve peut-être dans la section intitulée Lawyer's Dream or Administrator's Nightmare.

Certains lecteurs verront peut-être dans l'établissement de recours visant à faire valoir les droits des détenus et à assurer le respect de la loi la réponse à un souhait des avocats : des présidents indépendants chargés de l'examen de d'infractions disciplinaires graves; des arbitres indépendants chargés de l'examen des cas d'isolement, des transfèrements imposés et des visites; des procédures de règlement des griefs avec arbitrage exécutoire; une instance administrative; un contrôle judiciaire; la révision de la peine tel que proposé dans le rapport Arbour. Par contre, pour les administrateurs des services correctionnels, un tel scénario peut s'apparenter à un véritable cauchemar où ils s'occuperaient essentiellement à se préparer à témoigner à d'innombrables audiences où leurs décisions sont contestées et où on cherche à obtenir réparation pour des injustices perçues. Dans un tel contexte, les prisonniers sont tellement occupés à déposer des plaintes et à en appeler de décisions qu'ils n'ont plus de temps à consacrer aux programmes visant à favoriser leur réinsertion sociale.

Dans la réalité, l'utilisation de ces recours n'a rien à voir avec la vision idéaliste des avocats ou celle, pessimiste, des administrateurs des services correctionnels. Dans les recommandations que je fais dans le présent ouvrage, la prise en compte systématique de la primauté du droit et le respect de la loi reposent surtout sur ce que les avocats appellent les procédures de « première instance  ». Si, lors d'une audience disciplinaire, du réexamen d'un cas d'isolement ou d'un transfèrement imposé, on tient compte de l'expertise des spécialistes des services correctionnels et on fait appel à un arbitre indépendant, dans la majorité des cas, l'affaire n'ira pas plus loin. Par ailleurs, la perspective d'un arbitrage indépendant exécutoire pour régler les griefs motivera peut-être les parties en cause à s'entendre dès les premières étapes du processus et permettra de s'assurer que seuls les cas d'exception franchiront les étapes ultérieures. De même, le recours à l'instance administrative proposée par l'enquêteur correctionnel serait réservé aux seuls cas où l'EC a épuisé tous les autres recours visant à faire en sorte que le SCC réponde à ses recommandations. Le contrôle judiciaire ne consiste pas à remettre en question les décisions des administrateurs des services correctionnels; on ne fait appel à ce processus que lorsqu'une décision est déraisonnable ou que les règles d'équité procédurale n'ont pas été respectées. Le recours judiciaire proposé dans le rapport de la Commission Arbour sera utilisé dans des cas encore plus exceptionnels, car en général, le non-respect de la loi n'entraîne pas de conséquences suffisamment graves pour satisfaire au critère minimal d'interférence avec l'intégrité de la peine initiale. Cependant, dans ces cas exceptionnels, ce recours permettra d'obtenir réparation et de mettre en lumière le caractère inacceptable de la pratique correctionnelle qui nécessite telle réparation.

Enfin, lorsqu'on envisage l'élargissement des recours visant à faire valoir les droits des prisonniers, il faut tenir compte des coûts connexes. Selon l'enquêteur correctionnel, le tribunal administrative serait une solution rentable du fait qu'elle aiderait les parties en cause à comprendre le libellé de la loi, ce qui éviterait de soumettre inutilement les problèmes non résolus à l'examen du Service correctionnel. Mme la juge Arbour reconnaît que le recours judiciaire qu'elle propose pourrait alourdir le fardeau des tribunaux, mais fait tout de même remarquer de manière très critique que tout fardeau supplémentaire «  ne serait naturellement qu'en proportion des cas de non-respect de la loi par le Service correctionnel  » (Rapport Arbour, p. 184), remarque qui peut s'appliquer à chacun des recours envisagés dans le présent chapitre. Les changements proposés par l'enquêteur correctionnel, Mme la juge Arbour et moi-même visaient tous à faire en sorte que les opérations du Service correctionnel du Canada s'inscrivent dans une culture qui respecte les droits juridiques et constitutionnels. Plus le SCC respectera ces processus juridiques, moins les prisonniers et l'enquêteur correctionnel auront à chercher à obtenir réparation33.

8. Rapport de la Commission canadienne des droits de la personne sur les délinquantes purgeant une peine fédérale34

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Le 28 janvier 2004, la Commission canadienne des droits de la personne a rendu public son rapport intitulé Protégeons leurs droits : Examen systématique des droits de la personne dans les services correctionnels destinés aux femmes purgeant une peine de ressort fédéral. Ce rapport est le fruit de trois années de recherche et d'enquête. Il présente un examen exhaustif du traitement défavorable réservé aux prisonnières par le système correctionnel fédéral et renferme 19 recommandations visant à régler ce problème, dont les suivantes :

« Recommandation no 6

Nous recommandons que :

a. le Service correctionnel du Canada soumette toutes les décisions relatives à l'isolement non sollicité à un arbitrage indépendant dans tous les établissements régionaux pour femmes. Les répercussions de l'arbitrage indépendant sur l'équité et l'efficacité du processus décisionnel devraient être évaluées deux ans plus tard par une tierce partie indépendante35;

Recommandation no 19

Nous recommandons que le solliciteur général du Canada et le Service correctionnel du Canada établissent, en consultation avec divers intervenants, un organisme indépendant de réparation externe pour les délinquants purgeant une peine de ressort fédéral36.  »

La section sur les recours externes résume parfaitement les raisons pour lesquelles l'auteur du rapport est favorable à l'application de ces mesures :

« Des mesures de réparation efficaces pour les détenus est une question d'importance cruciale qui a des répercussions sur la conformité aux normes régissant les droits de la personne. Les droits de la personne ont peu de sens s'ils ne sont pas respectés. Il est dans l'intérêt de tous - le Service correctionnel, le personnel, les détenus et la société - de renforcer la protection des droits de la personne en prévoyant une supervision indépendante. Cette fonction spécialisée pourrait offrir un point de vue éclairé et objectif sur le respect des droits de la personne dans un contexte correctionnel37.  »

9. Conclusions et recommandations du BEC

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Le BEC s'est prononcé maintes fois en faveur de toutes les recommandations du rapport de la Commission Arbour38. En outre, nous avons recommandé la mise sur pied d'un tribunal indépendant chargé de régler les différends au sujet de questions importantes qui influent sur des problèmes d'intérêt national et le respect des droits de la personne.

Le recours au processus de médiation à participation volontaire défini dans le protocole d'entente intervenu entre le BEC et le SCC s'est avéré relativement efficace, mais nous demeurons convaincus qu'un réel processus d'arbitrage externe constitue le meilleur moyen de régler les différends concernant le respect des droits fondamentaux et de la loi.

Les motifs pour lesquels nous privilégions l'arbitrage externe sont exposés dans la prochaine section du présent document. Nous croyons que notre point de vue est valable surtout parce qu'il tient compte de l'opinion des divers spécialistes qui y sont favorables.

Situation actuelle - Inertie

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Tous ces éléments mettent en lumière la nécessité de faire appel à des organes indépendants pour régler les problèmes relatifs au respect des droits. Selon un certain nombre d'intervenants indépendants, le SCC doit se doter de processus d'arbitrage indépendant des décisions concernant des droits importants, et ce, dans divers secteurs d'activité.

Nous estimons cependant que trois obstacles importants ont empêché un examen minutieux de la pertinence de mécanismes d'arbitrage indépendant.

Premièrement, le Service correctionnel maintient que, bien qu'il soit prêt à accepter une « participation  » de la collectivité à ses processus décisionnels, il ne peut accepter que ces processus soient contrôlés par des intervenants de l'extérieur. Le SCC a donc accepté la recommandation du rapport Arbour concernant la participation de membres de la collectivité aux activités des comités d'enquête nationaux et a lancé un projet pilote dans le cadre duquel un représentant de la collectivité participe au réexamen des cas d'isolement. Il a également mis sur pied le Comité d'étude national des unités spéciales de détention. Par contre, le SCC a rejeté l'idée d'un examen indépendant des griefs ou la détermination par un organe indépendant des placements en isolement.

Deuxièmement, le solliciteur général (maintenant ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), de qui le SCC relève directement, n'a pas commenté la position du Service ou les diverses recommandations concernant ces questions. Malgré les nombreux commentaires formulés sur le sujet et l'importance de ce dernier dans le processus d'examen parlementaire de la LSCMLC, le ministre ne s'est pas prononcé.

Troisièmement, aucun des autres ministères ou organismes qui pourraient manifester un intérêt à l'égard de la protection efficace des droits des délinquants sous responsabilité fédérale n'a donné son avis sur la question :

  • malgré le fait que le solliciteur général l'ait informé du recours judiciaire proposé par la Commission Arbour en 1996, le ministère de la Justice ne s'est pas prononcé publiquement sur la pertinence de ce recours, pas plus qu'il n'a proposé de solutions de rechange;
  • le ministère de la Justice n'a pas non plus fait de commentaire devant le Parlement sur la question de la surveillance indépendante;
  • depuis la fin de l'examen de la LSCMLC, aucun comité de la Chambre des communes et du Sénat ne s'est penché sur la question de l'arbitrage indépendant, et ce, même si cette question est constamment soulevée dans nos rapports annuels et que les comités ont de nombreuses occasions d'en discuter avec les représentants du SCC et du BEC.

En clair, la réticence du SCC à accepter les changements n'est pas le seul élément qui a nui à leur mise en oeuvre. C'est surtout le fait qu'on a laissé le SCC travailler en vase clos qui est en cause ici.

Cela étant, il faut au moins reconnaître que le SCC a participé au débat et fait preuve d'une certaine ouverture. Il a en outre répondu à quelques-unes des recommandations formulées.

Quoi qu'il en soit, certains problèmes soulevés par les délinquants doivent être examinés par des organes ayant une plus grande autorité. Les unités d'isolement sont occupées à pleine capacité. La procédure de règlement des griefs est source de mécontentement et de méfiance, tout comme le manque d'équité perçu des divers autres mécanismes d'enquête. À ce jour, aucune mesure dissuasive n'a réellement été proposée relativement aux cas d'application abusive des peines imposées par les tribunaux.

Bien que le SCC ait pris des mesures visant à régler ces problèmes, et malgré le fait que nous avons participé à la mise en oeuvre de ces mesures, nous ne croyons tout simplement pas que les parties en cause peuvent continuer de négliger les questions de l'arbitrage et de la responsabilité.

C'est pour cette raison que nous avons établi le processus de consultation dont il est question ici. Nous espérons que, lorsque le problème aura été cerné et que les diverses opinions seront connues, nous pourrons lancer un débat sur cette question fondamentale. Nous croyons que la « communauté  » correctionnelle - les délinquants, leur famille, le personnel du SCC, d'autres fonctionnaires, les partenaires communautaires et les législateurs - peut apporter une contribution utile au débat et que les frustrations entraînées par ce débat qui semble sans fin et les besoins qui restent à satisfaire peuvent mener à des résultats positifs.

Si l'exercice peut apporter une piste de solution aux problèmes soulevés par les délinquants et favoriser le respect de leurs droits, alors il ne sera pas vain.

Le cas des délinquants autochtones

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Les documents susmentionnés font largement état des effets qu'a sur les délinquants en général, et sur les délinquantes en particulier, l'absence d'un mécanisme d'arbitrage indépendant. La situation des délinquants autochtones doit faire fait l'objet d'un examen suffisamment poussé.

On a maintes fois fait état de la situation difficile des populations autochtones du Canada et, récemment, les gouvernements y ont accordé une attention particulière, comme en fait foi l'extrait suivant du Discours du Trône prononcé le 2 février 2004 :

« Les Autochtones du Canada n'ont pas eu l'occasion de partager pleinement la prospérité de notre pays. Bien que certains progrès aient été accomplis, les conditions de vie dans beaucoup trop de communautés autochtones ne peuvent être qualifiées que de honteuses. Une telle situation fait outrage à nos valeurs. Il est dans notre intérêt collectif de prendre ici un virage. Et nous devons le faire aujourd'hui.

Notre objectif est de voir les enfants autochtones profiter d'un meilleur départ dans la vie, ce qui constitue l'assise de progrès ultérieurs dans l'acquisition des connaissances et des compétences nécessaires à leur réussite.

Notre objectif est de voir les débouchés économiques prendre corps, tant pour les Autochtones que pour leurs communautés.

Nous voulons voir les Canadiens et Canadiennes autochtones participer pleinement à la vie nationale sur la base de leurs droits et des traités historiques, grâce à une plus grande autonomie économique et à une meilleure qualité de vie39.  »

Le milieu carcéral est probablement celui où les besoins des Autochtones sont le moins bien comblés. Ce groupe de la population canadienne est nettement désavantagé par rapport aux délinquants de race blanche, et ce, à toutes les étapes du processus de justice pénale. Cela est particulièrement vrai pour les femmes autochtones. Nous résumons la situation des délinquants autochtones, ainsi que les mesures qu'il faudrait prendre pour répondre à leurs besoins dans notre rapport annuel 2002-2003 :

« Notre examen des données du Service correctionnel et des plaintes des délinquants révèle que les obstacles disproportionnés à la mise en liberté en toute sécurité et en temps opportun des délinquants constituent un problème permanent et une source d'embarras, ce qui est davantage le cas pour les délinquantes autochtones.

Nous préconisons depuis longtemps la prise de mesures en vue de régler ces problèmes pour assurer la présence des Autochtones et la présentation de leurs vues à des réunions de la haute direction et de faire effectuer un examen indépendant et éclairé des politiques et des procédures du Service en ce qui a trait aux obstacles discriminatoires à la réinsertion sociale en temps opportun des délinquants40.  »

Examen indépendant de la discrimination systémique

Tel que susmentionné, nous croyons depuis longtemps que la discrimination systémique, et l'incapacité de définir et d'éliminer les éléments opérationnels qui y contribuent, ou le manque de volonté de le faire, sont bien ancrés dans le système correctionnel fédéral. Cette conclusion n'a rien d'étonnant. Elle reflète les caractéristiques culturelles et organisationnelles plus générales qui ont donné lieu à un non-respect de la loi et des droits de la personne dans le contexte global des services correctionnels.

Le lecteur ne sera pas étonné non plus d'apprendre que, pour régler le problème de discrimination systémique, nous recommandons de soumettre la question à un examen indépendant, qui permettrait surtout de définir les obstacles à la réinsertion sociale auxquels les délinquants autochtones sont confrontés en établissement.

Les conclusions du Sous-comité de la Chambre des communes chargé de l'examen de la LSCMLC font écho à cette position. Selon le Sous-comité, la direction doit porter une attention particulière à la situation des Autochtones et assumer la responsabilité à cet égard. Le Sous-comité demande également que le vérificateur général du Canada fasse un examen indépendant de la question :

« 3.45 En ce qui concerne les délinquants autochtones, les chiffres publiés par le solliciteur général dans son rapport global sont alarmants. Selon ces données, alors que les Autochtones représentent environ 3 p. 100 de la population canadienne, ils représentent 12 p. 100 de l'ensemble des délinquants sous responsabilité fédérale. En outre, les données démontrent que les délinquants autochtones purgent généralement une plus longue partie de leur sentence en établissement plutôt qu'en collectivité et font plus souvent l'objet d'un renvoi en vue d'un examen pour le maintien en incarcération.

3.46 À plusieurs reprises, des études ont permis de démontrer que les programmes existants et les modes de gestion du Service correctionnel ne répondaient pas toujours aux besoins spécifiques des délinquants autochtones et que, par conséquent, le Service correctionnel devait reconnaître les particularités de cette population afin d'assurer que les délinquants autochtones puissent bénéficier de services correctionnels et de programmes favorisant leur réinsertion sociale en tant que citoyens respectueux des lois.

3.47 Aujourd'hui, la Loi reconnaît que l'approche générale du Service correctionnel et la mise en oeuvre de programmes de réadaptation et de réinsertion sociale doivent être sensibles à la culture autochtone ce qui, selon plusieurs témoins rencontrés, constitue une amélioration importante du système correctionnel. Néanmoins, au cours de son examen, le Sous-comité a également entendu des témoins dénoncer le manque de programmes adaptés aux besoins des délinquants autochtones et souligner les problèmes propres à la population autochtone sous juridiction fédérale.

3.48 Compte tenu du fait que le Sous-comité croit que la mise en oeuvre de programmes et de services qui répondent aux besoins particuliers des Autochtones est essentielle à une planification correctionnelle efficace du point de vue de la réduction de la récidive, il recommande que soit créé au sein du Service correctionnel du Canada un poste de sous-commissaire pour les délinquants autochtones semblable à celui déjà existant pour les délinquantes sous juridiction fédérale, afin d'améliorer les services correctionnels pour Autochtones. Le sous-commissaire devrait être chargé d'étudier, d'analyser et de tenter de résoudre les problèmes qui touchent particulièrement les délinquants autochtones au sein du système correctionnel. De l'avis du Sous-comité, il devrait ainsi être chargé de la planification, de l'élaboration des politiques et des programmes, du contrôle et de l'examen des opérations du Service correctionnel de même que de la supervision des études et des travaux de recherche qui traitent des délinquants autochtones. En tant que membre du comité de direction du Service correctionnel du Canada, il devrait par ailleurs participer, au même titre que la sous-commissaire pour les femmes, à toutes les décisions qui ont des répercussions directes ou indirectes sur la population autochtone au sein du système correctionnel.

RECOMMANDATION 9

Le Sous-comité recommande au Service correctionnel du Canada de créer un poste de sous-commissaire pour les délinquants autochtones, doté de pouvoirs et de responsabilités semblables à ceux du sous-commissaire pour les femmes.

3.49 Comme il est mentionné en introduction de ce chapitre, le Sous-comité n'a pas été en mesure de procéder à une analyse en profondeur des programmes offerts par le Service correctionnel. Ayant par ailleurs constaté au cours de son examen que les rapports du vérificateur général du Canada portant sur la réinsertion sociale des délinquants de novembre 1996 et d'avril 1999 ne comportent aucune vérification du processus de réinsertion sociale destiné particulièrement aux délinquantes et aux délinquants autochtones, le Sous-comité est d'avis qu'une analyse en profondeur des programmes et des services offerts pour ces populations correctionnelles pourrait s'avérer d'une grande utilité tant pour le Service correctionnel que pour ces populations correctionnelles et la population dans son ensemble.

3.50 Le Sous-comité estime donc essentiel que le vérificateur général du Canada procède à une vérification afin de cerner les forces et les faiblesses du processus actuel de réinsertion sociale destiné à ces deux populations correctionnelles.

RECOMMANDATION 10

Le Sous-comité recommande que le vérificateur général du Canada procède à une évaluation du processus de réinsertion sociale destiné aux délinquantes de même qu'à une évaluation du processus de réinsertion sociale destiné aux délinquants autochtones au sein du système correctionnel fédéral compte tenu du fait que dans le cadre de ses vérifications précédentes du processus de réinsertion sociale, il n'a pas examiné le cas des délinquantes ni les questions qui sont propres aux délinquants autochtones41.  »

À ce jour, aucune mesure n'a été prise en ce sens.

Le SCC continue d'affirmer qu'il peut régler les problèmes des Autochtones en améliorant ses programmes et services.

Nous reconnaissons les avantages que peuvent présenter les mesures prises par le SCC, mais nous ne sommes toujours pas convaincus que ces seuls efforts contribueront à orienter les interventions ou à procéder à l'examen indépendant nécessaire pour régler le problème de discrimination dont les délinquants autochtones font l'objet. Comme nous l'avons déjà mentionné, la surreprésentation des Autochtones dans les prisons fédérales n'est pas le seul élément préoccupant; on s'intéresse également à ce que vivent les délinquants autochtones lorsqu'ils sont sous la responsabilité du SCC. Nous n'avons constaté aucune amélioration notable en ce qui concerne l'élimination des obstacles qui nuisent à la réinsertion sociale des délinquants autochtones en temps opportun.

L'écart demeure important entre les délinquants autochtones et les délinquants non autochtones en ce qui concerne le pourcentage de la population de chaque groupe qui est incarcérée par rapport à ceux qui sont en liberté conditionnelle. Cet écart est encore plus marqué dans le cas des délinquantes : 55,5 % des délinquantes non autochtones sont en liberté conditionnelle contre seulement 41,8 % des délinquantes autochtones.

Les délinquants autochtones reçoivent généralement des peines un peu plus courtes que les délinquants non autochtones, mais ils purgent une plus grande partie de leur peine que les délinquants non autochtones avant d'obtenir leur libération conditionnelle. Cela s'explique en grande partie par les décisions rendues par le SCC concernant les cotes de sécurité et le potentiel de réinsertion sociale.

Dans la région des Prairies, par exemple, les délinquants autochtones constituent 42,6 % de la population carcérale, mais ils représentent près de 55 % de la population des établissements à sécurité maximale et seulement 29 % de la population des établissements à sécurité minimale. Ainsi, à l'établissement de Stony Mountain, les Autochtones constituent 56 % de la population tandis qu'à l'établissement de Rockwood (à sécurité minimale), situé juste en face, ils ne représentent que 34 % de la population. Sur le plan du risque, toujours dans la région des Prairies, le SCC a classé 65 % des délinquants autochtones dans la catégorie « à risque élevé  », contre seulement 45 % des délinquants non autochtones. Pour ce qui est du potentiel de réinsertion sociale, 21 % de la population non autochtones est considérée comme présentant un potentiel élevé contre seulement 7 % de la population autochtone. À l'inverse, 35 % de la population non autochtone est considérée comme présentant un faible potentiel de réinsertion sociale, contre 58,5 % de la population autochtone.

Cette situation est totalement insensée.

Compte tenu du fait que les Autochtones reçoivent des peines qui sont, en moyenne, plus courtes que celles des non-Autochtones, pourquoi les délinquants autochtones purgent-ils une plus grande partie de leur peine que les non-Autochtones avant leur libération conditionnelle? Pourquoi les délinquants autochtones sont-ils toujours surreprésentés dans les établissements à sécurité maximale? Pourquoi sont-ils considérés comme présentant un risque élevé et pourquoi estime-t-on qu'ils présentent un potentiel de réinsertion sociale plus faible que les délinquants non autochtones?

Arbitrage indépendant des décisions correctionnelles

Tous les problèmes associés à la limitation des droits reconnus par la loi, dont il est question plus haut, concernent d'autant plus les délinquants autochtones. Cela étant, il faut absolument adopter des mesures favorisant un arbitrage indépendant des questions touchant les délinquants autochtones.

Le SCC a-t-il omis de faire un examen raisonnable des recommandations formulées au sujet des pratiques discriminatoires, une interférence correctionnelle avec les droits des Autochtones? Est-ce que l'adoption d'un processus d'arbitrage indépendant des cas d'isolement, des décisions concernant la cote de sécurité et des griefs contribuerait à éliminer la discrimination associée à la gestion des peines des Autochtones?

NOTRE POSITION

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APPLIQUER LES PRINCIPES DE JUSTICE FONDAMENTALE

Les intérêts et la loi

Notre rôle d'ombudsman dans le contexte carcéral nous amène naturellement à nous prononcer en faveur de l'arbitrage indépendant. Quiconque intervient de près ou de loin dans le fonctionnement du système correctionnel sait qu'on est confronté à des intérêts, des attitudes, des objectifs et des valeurs divergents. Lorsqu'il doit prendre une décision concernant un délinquant, le directeur de l'établissement ou tout autre gestionnaire doit tenir compte d'une foule de facteurs. Il peut tenir compte de l'un ou l'autre des éléments ci-après en se fondant sur les lois, les politiques, l'expérience, le bon sens ou son intuition :

  • Droits des délinquants
  • Sécurité du personnel, des délinquants, des visiteurs et du grand public
  • Sécurité de l'établissement
  • Prévention des crimes et poursuite des contrevenants
  • Budget
  • Relations avec les employés
  • Ëquité
  • Opportunité
  • Priorités contradictoires

Cette liste n'est pas exhaustive. En fait, la majorité des spécialistes ou des délinquants n'auraient aucune difficulté à trouver d'autres éléments à y ajouter. Quel que soit le nombre d'intérêts divergents, ce qui importe c'est que, lorsqu'ils sont confrontés à tous ces éléments, les gestionnaires du SCC ne trouvent pas toujours une solution et, lorsqu'ils en trouvent une, cela peut prendre du temps. Selon nous, cette situation est attribuable au fait que le SCC accorde trop d'importance aux intérêts, au détriment de la nécessité fondamentale de respecter la loi.

Cela étant, nous ne disons pas que le SCC a fait preuve de mauvaise foi. Il est fort possible que le système soit conçu de manière telle que les droits de la personne sont bafoués et les lois, violées. À la base, le problème est « systémique  ».

Si nous faisons abstraction des intentions, il nous apparaît malgré tout évident, ainsi qu'aux nombreux spécialistes indépendants susmentionnés, que le problème est bel et bien réel.

Selon nous, l'élément central de la question est, comme l'a si bien dit Mme la juge Arbour la notion d'« engagement ... à l'égard des idéaux de la justice  ». En effet, après l'examen de l'imputation des responsabilités, après l'examen des mesures prises par le Service correctionnel avant et depuis la présentation du rapport de la Commission Arbour et après l'analyse des avantages et des inconvénients que présentent les recours internes et externes, cette phrase, et tout ce qu'elle suppose, demeurent tout à fait à-propos. C'est l'élément décisif qui sous-tend nos efforts.

Aux fins de notre analyse, nous croyons que la question qu'il faut se poser est celle de savoir si une forme d'arbitrage indépendant des décisions qui ont une incidence sur les droits de la personne et les droits prévus par la loi favorisera une plus grande justice à l'égard des délinquants sous responsabilité fédérale en matière de soins, de garde et de réinsertion sociale.

Nous donnons, dans la prochaine section du présent document, un aperçu des autres points de vue exprimés dans le cadre du débat. Nous y examinons les critères d'un examen indépendant fondé sur un ensemble de concepts, d'objectifs et d'hypothèses. Bien qu'ils soient utiles, nous estimons que ces éléments sont secondaires et qu'ils ont davantage à voir avec la mise en oeuvre et les conséquences qu'avec l'essence même de la question.

Si nous ne nous intéressons pas aux fondements juridiques d'un système qui est fondamental pour l'administration de la justice, nous mettrons davantage l'accent sur la « rotation  » de la « planète  » correctionnelle que sur son « orbite  » (pour reprendre une image utilisée par le professeur Jackson dans son ouvrage).

Quels sont donc les aspects pertinents de la justice visés par la LSCMLC et comment, le cas échéant, l'arbitrage indépendant peut-il contribuer à améliorer ces aspects?

On peut raisonnablement supposer que la majorité des intervenants ont défini deux concepts, à savoir :

  • l'exercice optimal par les délinquants de leurs droits inhérents;
  • l'intégration de ces droits à un système qui tient compte à la fois des objectifs en matière de protection du public et des objectifs de réinsertion sociale des délinquants.

Droits de la personne

Comme nous l'avons dit dans la section précédente, ce qui distingue l'analyse fondée sur les droits des autres approches est le fait que les droits sont considérés comme l'élément fondamental qui sert de base de tout le reste. On ne doit pas établir de comparaison entre les droits et des intérêts ou des valeurs soi-disant contradictoires. De tels intérêts ou valeurs ne peuvent influer sur les droits sauf :

  • si l'exercice d'autres droits dépend de ces intérêts et de ces valeurs, ou
  • s'il existe une restriction législative à l'exercice du droit et dont la «  justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique  ».

La décision rendue ou la politique établie doivent promouvoir de manière raisonnable le respect du droit, sous réserve des restrictions nécessaires à l'application d'une loi visant à protéger la société.

Si les décisions et les politiques ne favorisent pas la promotion du respect du droit, ce sont ces décisions et politiques, et non les droits, qu'il faut adapter.

L'exercice d'autres droits contradictoires constitue une exception à cette règle. Dans le contexte carcéral, du point de vue des administrateurs de l'établissement, cela met généralement en cause la sécurité de la personne ou les notions de protection et de sécurité, telles que définies dans la LSCMLC.

Cela peut aussi inclure l'exercice, par les délinquants, le personnel, les visiteurs ou toute autre personne, d'autres droits protégés. Tout repose sur l'hypothèse selon laquelle l'exercice de certains droits est subordonné à l'exercice des droits d'autres personnes.

Par ailleurs, des objectifs législatifs peuvent autoriser une restriction de certains droits. C'est l'article 1 de la Charte qui s'applique ici. En milieu carcéral, trois objectifs législatifs sont très importants - l'administration légitime de la peine imposée par le tribunal, la sécurité des détenus et du public, ainsi que la réinsertion sociale efficace des délinquants.

On ne dira cependant jamais trop qu'on ne peut restreindre un droit, quel qu'il soit, que dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour atteindre un objectif légitime.

L'exercice des droits dans un contexte correctionnel valide

Il est utile d'étudier l'exercice des droits dans le contexte de ce qu'on pourrait considérer, à première vue, comme des objectifs législatifs contradictoires, soit la protection de la société et la réinsertion sociale sécuritaire des délinquants.

En réalité, ces deux objectifs sont davantage complémentaires que contradictoires. Chacun facilite l'atteinte de l'autre. Il faut donc les garder tous deux à l'esprit quand on examine une décision correctionnelle.

Logiquement, donc, ces objectifs législatifs peuvent non seulement restreindre ces droits, mais également en faciliter l'exercice. Pratiquement toutes les décisions opérationnelles et stratégiques doivent être prises en tenant compte à la fois des objectifs relatifs à la garde et les objectifs de réhabilitation. On s'assure ainsi de prendre des décisions éclairées et on favorise l'exercice des droits.

Cela n'éclipse cependant pas la nécessité de veiller à ce que le droit soit protégé et respecté.

Incidences

Lorsqu'on reconnaît le fait que les droits ne représentent pas qu'un aspect des services correctionnels en vertu de la LSCMLC, mais qu'ils constituent la base de ces services, on comprend alors que les personnes qui prennent des décisions touchant les droits tout en ne tenant pas compte de ces droits vont au-delà des possibilités qui leur sont offertes. Une telle approche constitue une violation des principes qui constituent le fondement même du processus décisionnel en matière correctionnelle.

Par conséquent, toute mesure ou politique institutionnelle qui est susceptible de nuire à l'exercice d'un droit doit faire l'objet d'une révision. Or, il est parfois impossible de rectifier la situation, compte tenu de l'attitude des décideurs ou de la nature du « milieu  » (la culture). Dans un tel cas, quatre possibilités s'offrent à nous :

  • modifier l'attitude du décideur;
  • changer la culture;
  • demander à un tiers de trancher;
  • offrir des mesures efficaces de réparation des préjudices.

Dans les deux premiers cas, la nature même d'une organisation peut être un obstacle au changement. Une simple adaptation des processus internes et des règles de fond ne suffira pas.

Cette question est au coeur du débat avec le SCC au sujet de l'arbitrage indépendant et du recours judiciaire (ou d'autres mécanismes similaires) proposé par la Commission Arbour.

Le système carcéral est tel qu'il existe des obstacles intrinsèques empêchant la prise en compte des questions relatives à l'exercice des droits sans être influencé par des éléments qui ne sont pas pertinents.

Nous reconnaissons les efforts déployés par le SCC pour régler ce problème - modification des processus internes, formation du personnel - et les résultats positifs obtenus. Nous sommes également sensibles aux inquiétudes du SCC en ce qui a trait aux éléments suivants :

  • l'arbitrage indépendant enlèvera une part de responsabilité aux décideurs internes et sapera leur motivation à prendre les décisions appropriées;
  • les délinquants ont accès à un grand nombre de recours, de processus d'examen indépendant et de mécanismes de règlement des différends;
  • les arbitres indépendants ne posséderont pas les connaissances et les compétences nécessaires que possèdent le personnel et les gestionnaires du SCC;
  • l'absence d'un processus d'enquête interne exhaustif, objectif et opportun.

Ces inquiétudes ne sont pas frivoles, mais elles ne peuvent pas justifier le non-respect des principes fondamentaux que sont la conformité aux lois et l'équité.

Nous sommes persuadés que, même si le SCC modifie ses processus internes, on continuera d'observer des cas démesurés et continus de restriction des droits de la personne dans divers aspects du système correctionnel fédéral. Nous avons réitéré nos préoccupations dans nos rapports annuels, à savoir :

  • les unités d'isolement sont constamment occupées à pleine capacité;
  • les délinquants autochtones sont désavantagés en ce qui a trait à toutes les formes de garde restrictive;
  • le processus d'examen des plaintes et des griefs des délinquants est trop long et insatisfaisant; le fait que les gestionnaires s'appuient sur ce processus pour effectuer des changements est également source d'insatisfaction;
  • le niveau de violence dans les établissements, les blessures subies par les détenus et les décès de détenus;
  • l'absence de processus d'enquête interne exhaustifs, objectifs et opportuns.

À notre avis, on ne peut pas simplement attribuer ces résultats à des facteurs imprévisibles ou non contrôlables, ni à la gestion que fait le SCC de ses ressources et processus. Il n'est pas non plus question ici de mauvaise foi. Nous croyons qu'un des principaux facteurs dont nous devons tenir compte est la structure et la culture mêmes du Service - qui font qu'il est peu probable que les décisions soient fondées en grande partie, encore moins exclusivement, sur les droits de la personne.

Recours

Nous maintenons notre appui à l'adoption du recours judiciaire proposé par la Commission Arbour et à une participation, à une étape appropriée, aux décisions relatives au placement en isolement.

Nous estimons que la participation des tribunaux au processus demeure le meilleur moyen de garantir une détermination rapide et efficace des dispositions applicables de la loi et des mesures à prendre pour s'y conformer. Par ailleurs, la recommandation faite par Mme la juge Arbour relativement à la modification de la durée des peines permettrait de régler le problème d'interférence du système correctionnel avec l'intégrité de la peine - outil dissuasif visant à encourager le SCC à se conformer au principe de la primauté du droit et à respecter les droits de la personne dans le contexte correctionnel.

Outre le recours judiciaire, nous souhaitons l'établissement d'une instance administrative qui aurait le pouvoir de trancher et de répondre à d'importantes préoccupations soulevées dans le cadre des enquêtes menées par le BEC.

Cette instance pourrait favoriser un examen plus approfondi de la question que ne le feraient les tribunaux.

Pour des motifs que nous avons déjà exposés, nous privilégions l'arbitrage des importants griefs au troisième palier, la participation de membres de la collectivité aux activités des comités d'enquête à tous les niveaux fonctionnels du SCC, de même qu'une commission d'enquête indépendante sur les problèmes des délinquants autochtones, et nous avons souvent fait des recommandations à ces égards.

En ce qui a trait à notre mandat, nous croyons que, nonobstant l'adoption de mécanismes de règlement des différends, il est essentiel qu'on nous considère comme un organisme indépendant, libre de toute influence gouvernementale et que nous entretenions des liens organisationnels avec l'organe qui surveille les actions du gouvernement, à savoir le Parlement. Pour ce faire, nous devons être en mesure de rendre des comptes directement au Parlement sur toutes les questions qui nous concernent.

Il va sans dire que ces changements ne peuvent se produire en vase clos. Le contexte correctionnel et la nécessité d'assurer la garde des délinquants conformément à la volonté des tribunaux, ainsi que la reconnaissance des objectifs fondamentaux que sont la sécurité du public et la réinsertion sociale réussie des délinquants doivent être pris en compte dans le processus décisionnel concernant le respect des droits. Tous ces éléments favoriseront l'adoption d'une approche axée sur les droits. Par ailleurs, il serait naïf de penser qu'il n'est pas nécessaire de tenir compte des besoins et les intérêts du personnel, des délinquants, des gestionnaires et des autres parties intéressées dans le cadre de ce processus.

Les solutions que nous proposons garantiront que le respect de la primauté du droit constitue le fondement de l'examen de toutes ces considérations opérationnelles.

PERSPECTIVES

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Le débat entourant l'arbitrage indépendant et la responsabilisation comporte divers volets. Jusqu'à maintenant, nous avons porté notre attention sur la nécessité d'adopter une approche fondée sur les droits, de même que sur le lien entre une telle approche et l'arbitrage indépendant, mais dans un souci d'équité, il serait bon d'obtenir d'autres perspectives pour alimenter le débat. Les pages qui suivent présentent un résumé des points de vue le plus fréquemment exprimés, selon l'interprétation que nous en avons faite. Ce résumé ne se veut ni exact, ni exhaustif, il donne seulement des pistes de discussion.

Comme les points de vue peuvent se chevaucher, certains des éléments présentés ci-après ont déjà été mentionnés dans le corps du présent document. Nous espérons tout de même qu'une analyse plus poussée de chaque point de vue facilitera l'étude de la question.

Nous recommandons une fois de plus au lecteur de prendre connaissance du document du SCC ci-joint sur le nouveau système interne de décisions relatives à l'isolement.

1. Responsabilité politique

Dans une démocratie parlementaire, on invoque souvent le concept de cession de pouvoirs par l'autorité souveraine, par opposition au concept de souveraineté présidentielle où les pouvoirs émanent du peuple, pour justifier l'hésitation du gouvernement à céder son pouvoir décisionnel.

En fait, les ministres et leurs agents, qui sont les représentants de l'autorité souveraine et doivent s'acquitter des mandats définis par le Parlement, tenteront de préserver leur autorité et leur pouvoir discrétionnaire.

Par le passé, les tribunaux ont accepté cette souplesse administrative, non seulement en reconnaissance des compétences des fonctionnaires et des organes administratifs, mais aussi à l'appui du rôle de garant de la démocratie que joue le gouvernement.

Certains intervenants estiment qu'il ne serait pas indiqué de retirer ce rôle au gouvernement, car cela nuirait grandement à la capacité des ministères de s'acquitter de leurs fonctions.

Les arguments apportés en faveur de l'arbitrage indépendant sont les suivants :

  • ce processus s'inscrit dans le mandat du Parlement et le concept de suprématie parlementaire en ce qui a trait à la mise en place des mécanismes de surveillance nécessaires des fonctions que le Parlement juge essentielles au respect et à l'efficacité des lois;
  • cela est particulièrement vrai lorsque l'organisme de surveillance relève du Parlement ou est un agent du Parlement;
  • les décisions administratives et stratégiques qui influent sur les droits de la personne ont toujours justifié un examen judiciaire approfondi et le Parlement devrait veiller à ce que ces décisions soient le plus équitables possible et qu'elles aient des répercussions positives.

2. Responsabilité de gestion

Cet élément, jumelé à la transparence, est une valeur fondamentale de l'administration de l'appareil gouvernemental. Le fait d'assumer la responsabilité à l'égard des résultats des décisions prises et de la réalisation des objectifs opérationnels et stratégiques permet au gouvernement de prendre les bonnes décisions en matière d'embauche, de formation et de rémunération, entre autres, des gestionnaires, et motive ces derniers à prendre des décisions appropriées, conformes aux lois. Par conséquent, si on retire au gestionnaire, et par le fait même à l'organisme public, son pouvoir décisionnel, ce sont les concepts de responsabilité et de saine gestion qui en souffriront.

De leur côté, les tenants de l'arbitrage indépendant répondent ce qui suit :

  • L'importance et la fragilité de certains droits sont telles dans un milieu carcéral que leur protection nécessite une intervention hâtive qui ne tienne pas compte des intérêts et des processus organisationnels qui pourraient nuire à l'application d'une approche axée sur les droits.
  • Depuis plus d'un siècle, le SCC a les outils nécessaires pour assumer cette responsabilité, pourtant on lui a souvent reproché de ne pas prendre de décisions équitables et respectueuses des lois.
  • La majorité des intervenants ne retireraient pas le pouvoir décisionnel au SCC aux premières étapes de ce processus; ils seraient plutôt favorables à l'arbitrage indépendant dans les cas où une question relative aux droits demeure sans réponse pendant une période considérable..

3. Pertinence des mécanismes actuels de surveillance, de recours et de soutien

Les décisions du SCC, surtout celles qui influent sur d'importants droits, sont examinées dans le cadre de nombreux processus et par divers organes internes et externes, par exemple :

  • Les tribunaux
  • La Commission canadienne des droits de la personne
  • Le vérificateur général
  • Le Commissaire à l'information
  • Le Commissaire à la protection de la vie privée
  • Le Commissaire aux langues officielles
  • L'enquêteur correctionnel
  • Les collèges provinciaux des professionnels de la santé
  • Le système d'examen des plaintes et des griefs des délinquants
  • Le processus de réclamations contre l'Ëtat
  • Les avocats de la région
  • Les organismes de défense des droits des prisonniers
  • Le président indépendant du tribunal disciplinaire
  • Le Comité consultatif de citoyens

Certaines personnes ont fait valoir que toutes ces avenues sont suffisantes, la majorité des intervenants étant indépendants et experts en leur domaine et, ce qui n'est pas un hasard, exigent du SCC qu'il affecte des ressources importantes pour régler les problèmes des délinquants. Par ailleurs, depuis quelques années, le gouvernement cherche à éviter la création de nouveaux mécanismes de surveillance.

Les personnes favorables à l'arbitrage indépendant souligneront qu'aucun de ces mécanismes ne réunit les éléments nécessaires à une protection adéquate de ces droits dans un contexte carcéral, à savoir :

  • Opportunité de l'intervention initiale, durée de l'examen, conclusions et mise en oeuvre des recommandations
  • Expertise pertinente en matière de lois et de politiques
  • Indépendance par rapport au SCC et au gouvernement
  • Pouvoir de mener librement des enquêtes
  • Pouvoir d'imposer une solution

Par ailleurs, le recours à l'arbitrage indépendant avec possibilité d'imposition d'une sanction, selon ce que recommande la Commission Arbour pour éliminer l'interférence du système correctionnel avec l'intégrité de la peine, est une solution qui ne figure pas dans la liste des recours fournie ci-haut.

4. Expérience et expertise en matière de services correctionnels

Les tenants de cette position affirment que seul le personnel qui a une grande expérience du milieu connaît la complexité des « politiques  » et de l'administration des établissements, particulièrement en ce qui a trait à la sécurité du milieu carcéral et des personnes qui y évoluent. Ce personnel a acquis des connaissances et des compétences, voire une certaine intuition qui lui permettent de régler rapidement et efficacement des problèmes.

À l'inverse, certains croient que ces connaissances et compétences, et le fait que le personnel doit s'en remettre à une foule de processus, peuvent amener les décideurs à négliger la question des droits. On pense aussi que cette grande connaissance du milieu peut en fait donner lieu à des préjugés.

5. Protection et sécurité : priorité absolue

Les personnes qui s'appuient sur cet argument, qui se rapproche du précédent et de celui relatif à la responsabilisation, soutiennent que les enjeux sont trop importants pour qu'on confie à des gens qui ne connaissent pas la situation, et les conséquences qu'elle pourrait entraîner, des décisions dans un domaine où les risques sont élevés. Même s'il était possible de former, dans un délai raisonnable, l'arbitre indépendant à l'évaluation des risques, il demeure que cette personne n'a pas « l'intérêt  » à l'égard de la situation qui garantirait la rigueur et la prudence nécessaires.

Dans le même ordre d'idées, certaines personnes pensent qu'un arbitre indépendant accorderait une trop grande importance à l'évaluation des risques et ferait preuve d'une prudence excessive à cet égard, ce qui l'amènerait à prendre des décisions plus strictes que celles que prend normalement le personnel des services correctionnels.

Les personnes qui sont favorables à l'arbitrage indépendant pourraient faire valoir que l'arbitre indépendant aurait la possibilité de consulter le personnel, dans les cas où ce dernier possède une expertise et une expérience plus pertinentes. Qui plus est, un arbitre indépendant contredirait rarement l'évaluation faite par le personnel. Il s'attacherait plutôt à obtenir d'autres renseignements à l'appui de cette évaluation ou, ce qui est encore plus probable, à trouver des solutions différentes au problème.

6. Pondération des intérêts

Cette approche est fondée sur l'argument selon lequel une analyse basée uniquement sur la conformité aux lois, ou toute analyse factuelle ou stratégique donnée (p. ex., une évaluation des risques) ne tient pas compte du contexte dans lequel les décisions doivent être prises. Le décideur, qu'il soit de l'interne ou indépendant, doit donc tenter de prendre des décisions qui tiendront compte des intérêts et des attitudes des divers groupes concernés. Une telle approche permettrait de faire en sorte, du moins c'est ce que nous souhaitons, qu'on règle le problème de restriction des droits d'une manière équitable (même si elle n'est pas satisfaisante) pour toutes les parties et qu'on règle toutes les questions relatives à la protection et à la sécurité.

Cette approche pourrait cependant soulever les problèmes suivants :

  • Le fait de se concentrer sur les intérêts et la négociation pourrait faire en sorte qu'on néglige les droits de la personne et les droits prévus par la loi;
  • Les résultats de la négociation et de la médiation peuvent être moins favorables aux parties qui ne sont pas en position de pouvoir.

7. Coût

Il faut tenir compte du coût élevé que représenteraient les salaires et les activités des arbitres indépendants désignés. Selon l'estimation du SCC, la présence de membres de la collectivité au sein des comités de réexamen des cas d'isolement, par exemple, coûterait jusqu'à 4 millions de dollars par année.

Si on demandait aux tribunaux de trancher des différends, cela supposerait une augmentation des dépenses consacrées aux juges, aux avocats et aux autres intervenants. Le SCC devrait quant à lui assumer les frais associés aux escortes et aux locaux temporaires, entre autres.

Le professeur Jackson a examiné cette question et a conclu que l'important est de chercher à savoir

  • si les économies découlant du règlement des différends, tant à l'interne qu'en ce qui a trait à la réinsertion sociale sûre et efficace du délinquant, sont supérieures au coût de l'arbitrage;
  • si les avantages de l'arbitrage indépendant apportent une valeur intrinsèque (ou ajoutée) sur le plan de la justice et de l'équité, valeur qui justifie la dépense.

ENJEUX ET SOLUTIONS POSSIBLES

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Pour faciliter la poursuite du dialogue, le lecteur voudra peut-être examiner certains des enjeux que nous avons cernés dans le cadre du débat et quelques solutions possibles. Nous exposons ci-après les enjeux et solutions qui nous semblent fondamentaux. Nous nous sommes efforcés d'être objectifs dans le cadre de cet exercice. Le lecteur et toute autre personne qui participera à notre assemblée de consultation auront sans aucun doute d'autres enjeux et solutions à proposer.

Enjeux

  • L'adoption d'une approche axée strictement sur les droits constitue-t-elle une solution réaliste par rapport à une approche où on cherche à établir un équilibre entre les droits prévus par la loi et les intérêts opposés?
  • Quelle importance doit-on accorder aux objectifs de sécurité et de protection lorsque ces objectifs vont à l'encontre de la protection des (autres) droits des délinquants?
  • Peut-on réaliser les activités suivantes de manière rentable :
    • la formation du personnel pour assurer le respect systématique de la loi?
    • l'inclusion de membres de la collectivité à certains processus, comme le réexamen des cas d'isolement, l'arbitrage des griefs et les enquêtes du SCC?
    • l'examen des cas d'isolement par un tribunal?
    • la mise en oeuvre de la solution recommandée par Mme la juge Arbour au problème d'interférence des services correctionnels avec l'intégrité de la peine?
    • la création d'une instance administrative chargée de trancher les plaintes relatives à des décisions importantes du SCC en rapport avec le respect des droits?
  • L'indépendance et la compétence des arbitres de l'extérieur apporteront-elles suffisamment de « valeur ajoutée  » aux connaissances, aux compétences et à l'expérience du personnel du SCC pour justifier un arbitrage indépendant?
  • Pourrait-on perfectionner les compétences du personnel et l'amener à modifier ses attitudes de manière que l'arbitrage indépendant ne soit plus justifié?
  • Les tribunaux sont-ils les mieux placés pour examiner les problèmes qui surviennent dans un contexte correctionnel?
  • Comment peut-on modifier les instances judiciaires pour que les dossiers soient examinés rapidement lorsque cela est nécessaire?
  • Une instance administrative serait-elle plus efficace?
  • À quel endroit les juges ou les membres de l'instance administrative entendraient-ils les causes?
  • Le cas échéant, quel rôle la médiation volontaire devrait-elle jouer dans le règlement des différends relatifs au respect de la loi?
  • Si on autorise le SCC à confier les décisions difficiles à des arbitres indépendants, quels seront les effets de cette mesure sur la gestion, le contrôle et la responsabilité du SCC?
  • La culture du SCC favorise-t-elle la confiance et le soutien mutuels - un sentiment d'appartenance - au sein du personnel? Ce sentiment sera-t-il compromis par une ingérence de l'extérieur dans les décisions internes?
  • L'arbitre indépendant sera-t-il souvent en désaccord avec les opinions éclairées du personnel, surtout dans les cas où le personnel met en lumière la possibilité de conséquences fâcheuses sur les plans de la sécurité et de la protection?
  • Dans quelle mesure les décisions prises par le personnel sont-elles fondées sur l'intuition? L'arbitrage indépendant présente-t-il des avantages qui peuvent compenser cette capacité perdue?
  • Pourrait-on faire appel à l'arbitrage indépendant sans exacerber les retards et la lourdeur procédurale actuels?
  • L'existence d'un recours au terme duquel on ordonnerait une réduction de la peine amènerait-elle le personnel à se conformer davantage aux lois?
  • En ce qui a trait à l'isolement, comment un arbitre indépendant pourrait-il appliquer des solutions à plus d'un établissement ou d'une région? Comment peut-on s'assurer que les activités de surveillance sont confiées à un échelon suffisamment élevé de l'organisation pour favoriser des changements au sein du système?
  • Comment tous les éléments qui précèdent s'appliquent-ils précisément aux délinquants autochtones?

Solutions possibles

  • Amélioration des processus internes du SCC pour garantir le respect des lois
  • Amélioration des mécanismes de surveillance et d'examen du SCC
  • Accès périodique des délinquants aux tribunaux en ce qui concerne les réexamens de l'isolement préventif
  • Arbitrage indépendant périodique des cas d'isolement par des avocats
  • Arbitrage indépendant exécutoire des griefs au troisième palier déposés par les délinquants
    • de tous les cas
    • des cas mettant en cause une violation des droits civils
    • des questions d'intérêt national
  • Enchâssement dans la loi du recours judiciaire recommandé par la Commission Arbour relativement à l'interférence correctionnelle avec l'intégrité de la peine, y compris la possibilité de réduire la peine, ou adoption d'un recours similaire
  • Création, en vertu de la loi, d'une instance administrative indépendante qui aurait le pouvoir d'imposer des solutions et de trancher des plaintes importantes
  • Recours accru à la médiation non exécutoire (règlement extrajudiciaire des différends) pour régler les différends aux niveaux institutionnel, régional et national
  • Participation de membres de la collectivité à toutes les enquêtes concernant des préjudices graves, des comportements criminels ou la violation des droits
  • Modification des rapports hiérarchiques du BEC
  • Autoriser l'EC à soumettre certains différends aux tribunaux ou à l'arbitrage exécutoire
  • Améliorer le processus de règlement non exécutoire des différends entre le SCC et le BEC
  • Une analyse axée sur les droits de la personne des problèmes des délinquants autochtones à chaque étape de leur évolution au sein du système correctionnel
  • Améliorations particulières des mécanismes d'examen et d'arbitrage indépendants visant à répondre aux besoins culturels et spirituels des délinquants autochtones.

NOTES DE FIN DE DOCUMENT

1 http://www.oci-bec.gc.ca/cnt/rpt/annrpt/annrpt20022003-fra.aspx#VII

2 http://www.justicebehindthewalls.net/resources/arbour_report/arbour_rpt.htm

3 http://www.chrc-ccdp.ca/legislation_policies/consultation/toc_tdm-fr.asp (lien non disponible)

4 S.C. 1992 c.20

5 http://ww2.ps-sp.gc.ca/publications/corrections/correctional-review_f.pdf (lien non disponible)

6 Report of the Advisory Committee to the Solicitor General of Canada on the Management of Correctional Institutions, 1984

7 http://www.justicebehindthewalls.net (en anglais)

8 R.S. 1985, c.I-11

9 supra, note 2, Section 3.5

10 Ibid. Section 3.1.2

11 Ibid.

12 Ibid. Section 3.2.1.

13 bid.

14 Ibid. Section 3.2.2

15 Ibid. Section 3.3.5

16 Ibid.

17 Ibid. Section 3.4.1.2

18 Ibid.

19 Ibid.

20 Ibid. Section 3.4.1.1

21 http://www.csc-scc.gc.ca/text/pblct/tf/index-fra.shtml (lien non disponible)

22 Ibid. Section H.

23 http://www.csc-scc.gc.ca/text/pblct/rights/human/toce-fra.shtml (lien non disponible)

24 Ibid. Chapitre 4 "Human Rights"

25 Ibid. Chapter 4 "Monitoring Compliance with Human Rights"

26 Ibid.

27 Ibid. Annex H

28 http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=1031714&Mode=1&Parl=36&Ses=2&Language=F

29 Ibid. Section 5.3.5 and following

30 http://www.csc-scc.gc.ca/text/prgrm/fsw/gender3/toc-fra.shtml

31 Ibid, Section 5(d)(iv)

32 supra , note 7

33 Ibid. Sector 6

34 supra, note 3

35 Ibid. Section 5.2.2.

36 Ibid. Chapter 8

37 Ibid.

38 http://www.sppcc-psepc.gc.ca/publications/news/19960604-fra.aspx (lien non disponible)

39 http://www.parl.gc.ca/Parlinfo/compilations/parliament/ThroneSpeech.aspx?Language=F

40 Rapport annuel 2002-2003

41 supra, note28 à 3.45